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143: une main offerte

© istockphoto
Ils écoutent nuit et jour les appels au secours. Ils, ce sont les accompagnants bénévoles de la main tendue, le fameux 143. Entretien avec le directeur de son antenne zurichoise, Matthias Herren.

Vous dirigez le bureau de Zurich, le plus grand de Suisse.
Nous comptons 96 bénévoles et cinq salariés, soit un total de 36,5 emplois à plein temps. Nos dépenses s’élèvent à 900 000 francs par an. Neuf bénévoles par jour et dix employés sont actifs dans le conseil en ligne chaque semaine. Le nombre d’appels a augmenté de 15 % l’an dernier.

Qui peut faire appel à vous?
En gros, tout le monde, pour tout et à tout moment. C’est notre grande force. Il existe en Suisse de nombreuses bonnes offres spécialisées, mais personne qui soit ouvert à toutes les questions. Le 143 est l’un des premiers points de contact.

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Vos répondants, comment auraient-ils réponse à tout ?
Nos employés n’ont pas de réponses. Mais grâce à une bonne formation, ils savent bien écouter. Cela signifie aussi reformuler en retour, mettre en confiance, ouvrir un espace. Nous ne donnons pas non plus de conseils. En gros, nous voulons entrer en conversation avec la personne. Nous nous renseignons sur ses ressources; il peut s’agir de personnes, mais aussi de stratégies pour surmonter des crises. Nous pouvons également leur indiquer d’autres offres et recours.Nous voulons donner des impulsions, encourager nos interlocuteurs à regarder devant eux et à faire les premiers pas.

Où et à quoi remonte le 143?
Dans les années 1950, deux fois plus de personnes se suicidaient qu’aujourd’hui. En 1957, les fondateurs de la Main Tendue ont voulu créer une offre vers laquelle les gens pourraient se tourner dans leur désespoir. Le projet s’est heurté au scepticisme. «Personne n’appellera», nous a-t-on averti. Or, au cours de la première année seulement, nous avons reçu plus de 3 600 appels. Aujourd’hui, on compte plus de 170 000 conversations et environ 7 000 contacts en ligne dans toute la Suisse.

Et le financement?
Pour les appelants, la connexion coûte 20 centimes, quelle que soit la durée de l’appel. Cette redevance a été introduite pour limiter les appels de plaisantins. Autrement, le 143 est financé par des dons. A Zurich, les Eglises couvrent 55% des coûts. Dans d’autres régions, ce pourcentage est un peu plus faible. Le reste provient de dons individuels, de collectes, de vente de cœurs en chocolat et, dans de rares cas, les legs.

Quels sont les sujets ou situations qui reviennent sans cesse?
Les gens souffrent souvent de dépression et ont des problèmes professionnels ou relationnels. La solitude, et pas seulement chez les personnes âgées, ainsi que le harcèlement et la violence, reviennent aussi.

Y a-t-il une tranche d’âge plus représentée?
40% des appelants sont âgés de 41 à 65 ans, 22% de 19 à 40 ans et 29% de plus de 65 ans. Dans le secteur «en ligne», un bon tiers des contacts ont moins de 18 ans. Les problèmes existentiels tels le suicide reviennent cinq fois plus souvent qu’au téléphone.

Quels sont les besoins du 143, en pensant à l’avenir ?
Il est important que nous restions présents et que les gens le savent. Nous avons besoin de ressources, d’un nombre suffisant de bénévoles qui investissent cinq heures par semaine et des finances nécessaires. Nous proposons des tchats depuis un certain temps. Ici, la demande dépasse de loin notre offre. A l’avenir, il sera crucial que les demandeurs puissent choisir parmi plusieurs canaux.

Question personnelle pour terminer : votre credo ?
La Main Tendue est l’incarnation de la conviction selon laquelle «ne rien faire» peut avoir de nombreuses conséquences. Etre là, écouter: c’est ainsi que nous changeons le monde. 

Un souvenir durable?
Un rapide coup d’œil dans l’une des salles de téléphone me fait prendre conscience de l’importance de l’engagement du Tel 143. Comme c’est bien, il y a un point de contact simple et confidentiel ! Je décide de sauvegarder le numéro Tel 143 dans mon téléphone portable. Comme rappel d’un contact intéressant, peut-être aussi comme mesure de précaution en cas d’urgence. On ne sait jamais dans la vie.

Interview: Thomas Feuz


Le suicide en recul

A la fin des années 50 du siècle passé, on comptait 23 suicides pour 100 000 habitants. Aujourd’hui, on n’en recense que la moitié. Ce comptage systématique ne tient pas compte des tentatives de suicide.
Un sondage réalisé en 2017 indique que 3% de la population a déjà tenté de mettre fin à ses jours, soit 200 000 personnes. Parmi ces derniers, deux fois plus de personnes se sentent épuisées psychologiquement ou souffrent de douleurs physiques.
Cette étude montre en outre que 15% des personnes interrogées n’ont jamais parlé de leurs pensées suicidaires avec une tierce personne. Elles disent souffrir de solitude et bénéficier de peu ou pas de soutien social. Il est donc important de parler de telles pensées avec une personne de confiance ou en appelant le 143.

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