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«Le corps du condamné a disparu!»

Récit Le dimanche de Pâques, comme on ne vous l’a jamais raconté.

Jérusalem, an 33. Un dimanche matin de mars ou d’avril, par un temps glacial.
Un officier romain avance à grands pas dans les rues de la cité. Il a hâte d’arriver, non seulement parce qu’il est en retard, mais aussi parce que l’entrevue menace d’être compliquée. De toutes les missions qu’il s’est vu confier durant sa carrière, celle-ci est de loin la plus étrange.

– Décurion Mettius Rufius au rapport!

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– Ave Décurion! Tu es en retard !

L’homme qui se présente devant lui est grand et maigre. Il se tient assis, le dos raide, derrière une table encombrée de parchemins.
– Je t’écoute, Décurion! reprend-il d’une voix tranchante. Je n’ai pas toute la journée!

– Excuse-moi, Centurion. Je suis encore un peu bouleversé par les événements de ces derniers jours…

– Bouleversé, toi, un vieux soldat de la Légion? Tu dois pourtant en avoir vu d’autres sur les champs de bataille.

– C’est vrai, Centurion, que je suis habitué à la violence et au carnage. Mais tu sais que je n’ai jamais aimé les crucifixions.

Une bande de fanatiques

– Je sais tout concernant la crucifixion de ces trois hommes. L’officier en charge m’a déjà fait son rapport. Ce qui m’intéresse, Décurion, c’est la suite.

– Comme tu le sais, le cadavre d’un des condamnés, un certain Iéshoua, n’a pas été jeté dans le ravin de la Géhenne, mais a été enseveli dans un tombeau proche du lieu du supplice, grâce à l’intervention d’un riche marchand auprès du préfet Pontius Pilatus. Comme quoi, Décurion, même les morts peuvent parfois jouir des avantages qu’offrent des relations haut placées.
Si tu veux mon avis, Décurion, ce Iéshoua aurait préféré que son ami se manifeste un peu plus tôt!

– Tu as raison, Centurion! Toujours est-il que les notables juifs se sont inquiétés de ce traitement de faveur et ont demandé qu’une garde soit placée auprès du tombeau. Ils craignaient que les amis de ce Iéshoua, une bande de fanatiques galiléens, ne viennent dérober le cadavre pour je ne sais quelle obscure raison.

Le centurion reste impassible, tout attentif à ce que lui rapporte son officier.

– Le préfet a refusé de détacher des gardes pour cette mission, arguant du fait que les Juifs possèdent leur propre garde qui pouvait bien se voir confier ce travail. Cependant, flairant le coup politique, Pontius Pilatus m’a fait appeler en pleine nuit et m’a demandé de surveiller discrètement la tombe et les amis du crucifié. J’ai pris trois hommes avec moi. Je les ai postés à proximité d’une maison de la ville basse où mes espions avaient repéré plusieurs de ces Galiléens.

Une vision hallucinante

– A ce stade de ton enquête, Décurion, avais-tu des raisons de penser que les choses tournent mal?

– Franchement aucune, Centurion. Les fameux amis du crucifié se terraient comme des poules mouillées dans une chambre haute de la maison. Ils avaient l’air d’être de braves paysans ou pêcheurs, venus tout droit de leur campagne et totalement dépassés par le cours tragique des événements. Je pense qu’ils ne craignaient qu’une chose: subir le même sort que leur chef.
Je laissais donc mes hommes dans la basse ville et rejoignit aussi rapidement que possible les environs du tombeau. L’aube pointait quand je m’approchais du sépulcre. Ce que je vis me laissa sans voix. Les gardes placés par les prêtres gisaient au sol. Je crus d’abord qu’ils étaient morts, mais en approchant, je constatai qu’ils n’étaient qu’endormis.
Mais le plus surprenant était le tombeau. La lourde pierre censée le fermer était roulée de côté. Le sépulcre était béant. Je m’avançais doucement et constatai avec effroi qu’il était vide! Le linge, qui avait dû recouvrir la tête du mort, était roulé proprement et posé à une des extrémités de la table funéraire. Les bandelettes qui avaient emballé le corps étaient rangées à part. Tout cela donnait une impression de calme et de contrôle. Je ne savais pas ce qui s’était passé dans ce sépulcre, mais cela n’avait pas été fait dans la précipitation.
J’allais pousser plus loin mes investigations quand j’entendis un bruit de pas. Je sortis rapidement de la tombe et me dissimulai dans les buissons. Deux femmes étaient là, elles regardaient, affolées, la pierre roulée. Elles s’enfuirent en criant. Quelques minutes plus tard, une des deux revint accompagnée de deux hommes, probablement des amis de ce Iéshoua. Ils pénétrèrent dans le sépulcre, en sortir quelques instants plus tard et repartirent sans demander leur reste. La jeune femme resta seule. C’est alors que se produisit un événement incroyable. Je vis - et je te jure que je dis la vérité,  Centurion - je vis le crucifié s’approcher de la jeune femme. Les marques des clous étaient bien visibles à ses poignets, cependant, il était aussi vivant que toi et moi.

La fin d’une quête

– Tu prétends, Décurion, que ce mort était vivant? Mais, par Zeus, c’est impossible! Les morts ne ressuscitent pas!

– Je sais bien, Centurion, mais attends la suite. Le Galiléen s’est approché de la femme et lui a parlé. Il lui a demandé ce qu’elle faisait là. La pauvre pleurait tellement qu’elle ne devait même pas le voir. Alors, il l’a appelée par son nom: Marie. Je ne suis pas un tendre, Centurion, tu le sais bien. Mais quand j’ai entendu cet homme prononcer ce nom avec tant de douceur, j’ai compris qu’il était revenu du monde des morts pour appeler cette femme par son prénom, pour la consoler et lui donner de l’espérance.
J’ai ressenti, au plus profond de moi, qu’il était revenu pour tous ceux qui, comme elle, ont besoin de son amour et de son pardon. Je ne sais pas qui il est vraiment, mais ce que je sais c’est qu’il a apporté dans ma vie ce que j’ai cherché aux quatre coins de l’Empire: la paix, le pardon et l’espérance.

Jérusalem, an 33. Un dimanche matin de mars ou d’avril, par un temps glacial.
Un officier romain avance à grands pas dans les rues de la cité. Il a hâte d’arriver, non seulement parce qu’il est en retard, mais aussi parce que l’entrevue menace d’être compliquée. De toutes les missions qu’il s’est vu confier durant sa carrière, celle-ci est de loin la plus étrange.

– Décurion Mettius Rufius au rapport!

– Ave Décurion! Tu es en retard !

L’homme qui se présente devant lui est grand et maigre. Il se tient assis, le dos raide, derrière une table encombrée de parchemins.
– Je t’écoute, Décurion! reprend-il d’une voix tranchante. Je n’ai pas toute la journée!

– Excuse-moi, Centurion. Je suis encore un peu bouleversé par les événements de ces derniers jours…

– Bouleversé, toi, un vieux soldat de la Légion? Tu dois pourtant en avoir vu d’autres sur les champs de bataille.

– C’est vrai, Centurion, que je suis habitué à la violence et au carnage. Mais tu sais que je n’ai jamais aimé les crucifixions.

Une bande de fanatiques

– Je sais tout concernant la crucifixion de ces trois hommes. L’officier en charge m’a déjà fait son rapport. Ce qui m’intéresse, Décurion, c’est la suite.

– Comme tu le sais, le cadavre d’un des condamnés, un certain Iéshoua, n’a pas été jeté dans le ravin de la Géhenne, mais a été enseveli dans un tombeau proche du lieu du supplice, grâce à l’intervention d’un riche marchand auprès du préfet Pontius Pilatus. Comme quoi, Décurion, même les morts peuvent parfois jouir des avantages qu’offrent des relations haut placées.
Si tu veux mon avis, Décurion, ce Iéshoua aurait préféré que son ami se manifeste un peu plus tôt!

– Tu as raison, Centurion! Toujours est-il que les notables juifs se sont inquiétés de ce traitement de faveur et ont demandé qu’une garde soit placée auprès du tombeau. Ils craignaient que les amis de ce Iéshoua, une bande de fanatiques galiléens, ne viennent dérober le cadavre pour je ne sais quelle obscure raison.

Le centurion reste impassible, tout attentif à ce que lui rapporte son officier.

– Le préfet a refusé de détacher des gardes pour cette mission, arguant du fait que les Juifs possèdent leur propre garde qui pouvait bien se voir confier ce travail. Cependant, flairant le coup politique, Pontius Pilatus m’a fait appeler en pleine nuit et m’a demandé de surveiller discrètement la tombe et les amis du crucifié. J’ai pris trois hommes avec moi. Je les ai postés à proximité d’une maison de la ville basse où mes espions avaient repéré plusieurs de ces Galiléens.

Une vision hallucinante

– A ce stade de ton enquête, Décurion, avais-tu des raisons de penser que les choses tournent mal?

– Franchement aucune, Centurion. Les fameux amis du crucifié se terraient comme des poules mouillées dans une chambre haute de la maison. Ils avaient l’air d’être de braves paysans ou pêcheurs, venus tout droit de leur campagne et totalement dépassés par le cours tragique des événements. Je pense qu’ils ne craignaient qu’une chose: subir le même sort que leur chef.
Je laissais donc mes hommes dans la basse ville et rejoignit aussi rapidement que possible les environs du tombeau. L’aube pointait quand je m’approchais du sépulcre. Ce que je vis me laissa sans voix. Les gardes placés par les prêtres gisaient au sol. Je crus d’abord qu’ils étaient morts, mais en approchant, je constatai qu’ils n’étaient qu’endormis.
Mais le plus surprenant était le tombeau. La lourde pierre censée le fermer était roulée de côté. Le sépulcre était béant. Je m’avançais doucement et constatai avec effroi qu’il était vide! Le linge, qui avait dû recouvrir la tête du mort, était roulé proprement et posé à une des extrémités de la table funéraire. Les bandelettes qui avaient emballé le corps étaient rangées à part. Tout cela donnait une impression de calme et de contrôle. Je ne savais pas ce qui s’était passé dans ce sépulcre, mais cela n’avait pas été fait dans la précipitation.
J’allais pousser plus loin mes investigations quand j’entendis un bruit de pas. Je sortis rapidement de la tombe et me dissimulai dans les buissons. Deux femmes étaient là, elles regardaient, affolées, la pierre roulée. Elles s’enfuirent en criant. Quelques minutes plus tard, une des deux revint accompagnée de deux hommes, probablement des amis de ce Iéshoua. Ils pénétrèrent dans le sépulcre, en sortir quelques instants plus tard et repartirent sans demander leur reste. La jeune femme resta seule. C’est alors que se produisit un événement incroyable. Je vis - et je te jure que je dis la vérité,  Centurion - je vis le crucifié s’approcher de la jeune femme. Les marques des clous étaient bien visibles à ses poignets, cependant, il était aussi vivant que toi et moi.

La fin d’une quête

– Tu prétends, Décurion, que ce mort était vivant? Mais, par Zeus, c’est impossible! Les morts ne ressuscitent pas!

– Je sais bien, Centurion, mais attends la suite. Le Galiléen s’est approché de la femme et lui a parlé. Il lui a demandé ce qu’elle faisait là. La pauvre pleurait tellement qu’elle ne devait même pas le voir. Alors, il l’a appelée par son nom: Marie. Je ne suis pas un tendre, Centurion, tu le sais bien. Mais quand j’ai entendu cet homme prononcer ce nom avec tant de douceur, j’ai compris qu’il était revenu du monde des morts pour appeler cette femme par son prénom, pour la consoler et lui donner de l’espérance.
J’ai ressenti, au plus profond de moi, qu’il était revenu pour tous ceux qui, comme elle, ont besoin de son amour et de son pardon. Je ne sais pas qui il est vraiment, mais ce que je sais c’est qu’il a apporté dans ma vie ce que j’ai cherché aux quatre coins de l’Empire: la paix, le pardon et l’espérance.

Pierre-Yves Zwahlen, écrivain

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