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Noël depuis les marges

© Alliance Presse
Société. Comment les personnes en marge fêtent-elles Noël ? Le manque de lien relationnel leur est souvent plus douloureux à cette période de l’année. Coups de projecteur sur les travailleuses du sexe et les sans-abri.

«Je peux vous téléphoner ?»
«A cette période de l’année, les filles ont plus envie de parler», commente un policier de la sûreté vaudoise qui préfère rester anonyme. «Depuis le temps qu’on les côtoie, elles ont bien compris qu’on n’avait pas d’a priori sur elles, alors qu’auprès d’instances sociales ou religieuses, elles préfèrent cacher leur prostitution». Et cet homme de sortir de sa poche des messages qu’il a reçus sur son smartphone, en plus de cartes de vœux de la part de prostituées : «J’aimerais vous parler un petit moment, je peux vous appeler ?» et «Est-ce que je peux vous téléphoner ?»
Cela dit, beaucoup de ces femmes partent à Noël pour revenir après Nouvel-An, ou prennent même trois mois de vacances. «Pour celles qui restent, la météo influence beaucoup leur taux d’activité», indique son collègue Sylvain Lienhard de la Police judiciaire lausannoise. Celui-ci évoque alors l’intérêt financier pour celles «qui assurent la permanence» vu qu’elles sont moins nombreuses.
Noël ou pas, les filles restent groupées par clan. L’esprit de fête qui se propage dans la ville, ne serait-ce qu’au moyen des guirlandes, ne les pousse pourtant pas à se mélanger. Et les conditions de travail se dégradent : les travailleuses du sexe opèrent à des prix toujours plus bas, dans des lieux toujours moins sécurisés. «Tout est devenu beaucoup plus malsain. On est là pour aider les personnes qui sont vraiment victimes de la prostitution et du trafic des êtres humains», commentent les deux agents, tous deux rattachés à la police des mœurs.
Attablés à la table d’un café lausannois, ils disent aimer pouvoir travailler et marquer un changement en ce sens. Pour le reste, les improbables sapins qui décorent les salons de passe restent les seuls signes tangibles de Noël.

«Paix sur la terre» Vraiment ?
La Marmotte est un lieu d’accueil d’urgence géré par l’Armée du Salut (ADS) pour les personnes sans abri de la capitale vaudoise. Trente-et-une places sont disponibles. Le 25 décembre, c’est toujours plein. L’officière Christine Staiesse y chantera à 7h30 avec quelques membres bénévoles de l’ADS. «La première fois que j’ai participé à ce moment, je n’ai pas réussi à finir de chanter le cantique : voir autant de personnes dans ce lieu le jour de Noël m’a bouleversée. Oui, j’ai ressenti une profonde tristesse de voir ces femmes, ces hommes sans toit, sans ami, sans famille à qui on chantait “Joie au ciel, paix sur la terre’’. Cela m’a remise en question : comment, dans le dénuement, peut-on trouver le réconfort et la paix de Dieu ?»
Christine se souvient de ce couple de Roms qui lui avait demandé de prier avec eux en faveur de leurs enfants restés au pays ; de celles et ceux qui ont joint leur voix aux refrains connus ; des mains jointes ; des personnes indifférentes aussi, qui ont pourtant écouté les chants traditionnels de ces chrétiens annonçant la naissance du Christ. «Partager ce “Dieu avec nous” - qui pour moi signifie pleinement Noël- m’est essentiel», souligne encore Christine. «C’est une manière de dire à ces gens en rupture relationnelle qu’ils ne sont pas oubliés, que Jésus est venu pour eux à Noël ! »

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Gabrielle Desarzens, RTS Religion

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