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Un grand cœur pour les enfants de Beyrouth

© Alliance Presse
Portrait. Une Vaudoise a ouvert une école dans les quartiers défavorisés de la capitale libanaise

Khaled, Assia… Quand Catherine Mourtada évoque la dynamique du don, elle pense à des visages d’enfants. Enseignante de formation, cette Vaudoise vit depuis plus de vingt ans au Liban, où elle a fondé le Centre éducatif Tahaddi, dans un quartier défavorisé de la capitale Beyrouth

Une patience qui paie
«Khaled a commencé à fréquenter notre centre une année où j’enseignais les mathématiques dans sa classe». Cet adolescent posait un problème : il arrivait systématiquement en retard. «Si un autre enseignant que moi avait commencé la journée, Khaled aurait été renvoyé, conformément aux règles de notre école». Mais Catherine Mourtada avait discerné le potentiel de cet adolescent.
Sa patience, accordée chaque matin, a permis à Khaled de prendre le rythme scolaire et d’achever aujourd’hui une formation de mécanicien. «J’ai dû user de grâce, tout en essayant de respecter les règles», ajoute la directrice.

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Quelle injustice !
La mise en pratique du don et de la générosité n’est pas systématiquement couronnée de succès. Assia fréquentait le centre éducatif depuis près de trois ans. «C’était une fille sympathique, avec laquelle nous avions du plaisir à travailler», se souvient Catherine Mourtada.
Un jour, son père découvre dans l’un de ses cahiers un cœur avec deux initiales. Ni une ni deux, il punit violemment sa fille et lui interdit de retourner à l’école. «Nous avions beaucoup investi en Assia, relève la directrice de Tahaddi. Il y avait là une double injustice. D’une part, cette adolescente ne s’intéressait pas du tout aux garçons ! D’autre part, elle subissait ce que beaucoup d’autres filles de son âge et dans son contexte social endurent : la violence d’un père ou d’un frère qui soupçonne le pire sans pouvoir le prouver.»
Suite à ces événements, Catherine visite la famille d’Assia. En vain. La jeune fille ne reçoit pas l’autorisation de reprendre le chemin du centre. «Avec nous, Assia n’a pas perdu son temps. Elle a appris à lire, à écrire, à calculer. Mais nous ne sommes pas allés au bout de ce que nous pouvions lui donner.»

Retrouver des forces dans les moments creux
Inscrire sa vie dans la dynamique du don, c’est ce que fait Catherine Mourtada dans le bidonville Hay-al-Gharbe de Beyrouth. «Il y a parfois des moments creux. Mais je suis toujours passionnée d’aider ces enfants qui naviguent en dehors du système scolaire, ainsi que leur famille». Certes, donner fatigue, comme toute implication relationnelle dans une activité sociale ou humanitaire. Mais lorsque Catherine goûte à des moments creux, elle écrit, parle à des amis et se nourrit de sa spiritualité. «Dieu est alors mon refuge. Devant lui, je peux être ce que je suis, tout lui dire… Et être encouragée !»
Dernièrement, elle a croisé un jeune du bidonville, un ancien élève de Tahaddi. Il a lâché : «Miss, que serait-on devenu sans le centre ?». Cette remarque a touché l’enseignante vaudoise. Elle a pris conscience que ce centre qui accueille une centaine d’élèves chaque année «avait changé la vie de dizaines d’enfants qui, sinon, pleins de colère et de frustration, traîneraient peut-être leur misère dans la délinquance. Personne ne leur aurait donné la possibilité d’espérer en un avenir meilleur

Serge Carrel


Première lauréate du prix Stop pauvreté

ouvert en 2002 le Centre éducatif Tahaddi dans le bidonville Hay-al-Gharbe à Beyrouth. Ce programme est destiné principalement à des enfants exclus du système scolaire libanais pour des raisons économiques et sociales, et dont beaucoup sont d’origine gitane. Elle a reçu le prix «Personnalité 2010» du mouvement suisse StopPauvreté.

Célibataire, Catherine Mourtada est la mère adoptive de Nayla, une fille issue d’un de ces quartiers.

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