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Pourquoi le Christ fait-il scandale?

© Istockphoto
Un philosophe, un théologien, un agnostique et un prêtre catholique débattent...
Charlotte Moulin

Reza Moghaddassi, philosophe

«Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi», dit Jésus dans l’Evangile de Jean (14, 6) «Le salut ne semblerait ici réservé qu’aux seuls chrétiens qui croient en Jésus et à son message», objecte le philosophe Reza Moghaddassi, qui n’adhère pas à une «interprétation simpliste» de ce verset biblique. Fort de pérégrinations dans différentes cultures et religions, il poursuit: «Aucune religion n’a l’exclusivité du don de Dieu et de sa sainte présence.

J’ai vu des êtres le rencontrer et être transformés malgré des credo de foi différents.» Pour l’auteur de Les murs qui séparent les hommes ne montent pas jusqu’au ciel (éd. Marabout), le Christ est une présence capable de se manifester à travers toutes sortes de formes. «Nos idées, nos images, nos symboles ou nos récits religieux peuvent devenir une icône, une fenêtre ouverte sur le Tout-Autre, ou à l’inverse une idole, c’est-à-dire la réduction de Dieu à l’idée ou l’image qu’on s’en fait. Selon moi, quiconque veut accéder à la vérité divine doit emprunter la voie de l’amour, de l’humilité, du don de soi, du consentement à la divine providence, des qualités que le Christ a manifesté dans son existence terrestre et qui témoignent de sa présence chez quiconque les manifeste.»

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David Richir, théologien

«En tant qu’êtres humains du 21e siècle, lire que Jésus est le seul chemin vers Dieu est au premier abord choquant, comme un message d’intolérance», admet le théologien David Richir. «Pourtant dans toute la Bible, on ne voit qu’une seule personne qui sauve des écueils spirituels: Dieu lui-même.» Il poursuit: «Le Nouveau Testament est très clair. Dieu demandera des comptes et il n’y a qu’une seule manière pour qu’il nous voit comme justes. Sur la Croix, Jésus a pris ce que nous ne pouvons pas payer; la justice de Dieu contre le péché».

David Richir rappelle aussi la toute première Pâque, prescrite par Dieu aux Israélites avant qu’ils ne partent d’Egypte où ils étaient esclaves. «Là déjà, il avait agi directement et seul par les dix plaies, puis en séparant la mer pour qu’ils passent», commente-t-il. «L’auteur de la vie a donné ce chemin, qui est la foi en Jésus, comme seule solution au péché qui nous sépare de lui pour toujours. C’est un cadeau que personne ne mérite.»

Marcus Prud’hon, agnostique curieux

«Dieu se conceptualise. Quand on croit qu’il existe, la perception qu’on en a est subjective.» Marcus Prud’hon est agnostique. Néanmoins selon lui, «la sensibilité, la culture et les mœurs propres à chaque être humain définissent sa manière d’accéder à Dieu».

«La religion est une autre voie pour l’atteindre», assure-t-il. «Elle guide les fidèles pour toucher Dieu du doigt. Dans cette logique, j’écarte l’exclusivité dont jouirait Jésus pour que les croyants l’atteignent», ainsi que toute revendication spirituelle exclusive.

«Si on se révolte contre les paroles de Jésus par l’affirmation qu’une autre voie, unique, est la bonne, cela contredit tout autant ce que je crois: la légitimité de toutes les religions en tant que guide vers Dieu», confirme le jeune homme.

Mustapha Amari, prêtre catholique

Pour Mustapha Amari, prêtre catholique, le mot «vérité» est «devenu trop chargé émotionnellement pour que tout le monde puisse entendre paisiblement que Jésus est le seul chemin vers Dieu. Ça peut aussi sembler anachronique.»

«Je crois également qu’il y a une blessure due à l’histoire de l’Eglise catholique, quand une seule vérité, la sienne, était imposée y compris durant des guerres.»

Le prêtre observe «qu’aujourd’hui, en disant que la vérité est multiple et individuelle, nous cherchons en fait à vivre en paix». Mustapha Amari fait cependant une distinction.
«Il ne faut pas se tromper de registre. Parler de la relation du Créateur avec sa créature, d’où vient notre existence et où elle va ne dépend pas d’une opinion», d’après lui. «Quand Jésus dit qu’il est le seul chemin vers Dieu, ce n’est pas seulement une information que je pourrais avoir et qui serait acceptable», termine le prêtre. «Je ne suis pas sauvé de l’enfer parce que j’ai trouvé la bonne fiche Wikipédia sur Dieu! Il y a quelque chose qu’on ne peut recevoir qu’en croyant ce que Jésus dit de lui-même: il nous établit dans une relation filiale avec Dieu.»

Quart d'heure pour l'essentiel

Article tiré du numéro Quart d’heure pour l’essentiel Pâques 2023

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