Un dernier vœu avant le grand vide
Christian Cayez est un natif de Lens, dans le Pas-de-Calais. Actif professionnellement dans le domaine social, il y vivait avec son épouse. Tout allait bien pour lui jusqu’à la déchirure du couple, le début d’une dégringolade terrible.
Destination à l’aveuglette
Au bout de quelques temps, Christian Cayez décide de tout quitter. Au hasard, il pointe son doigt sur la carte de France pour désigner son lieu de fuite et tombe sur Valence. Le lendemain matin, il prend le train et débarque dans cette ville inconnue, sans rien. Il échoue à l’Entraide Protestante, qui le soutient autant que possible. Mais au vu de sa situation, il est désormais sur le chemin de la clochardisation. Un matin de juin 2016, les policiers et les huissiers l’expulsent de son repaire. L’homme se retrouve à nouveau sans rien dans un parc municipal. Durant quatre jours, il se cache et dort au Parc Jouvet, sans nourriture ni vêtements de rechange. En journée, il déambule sous les regards curieux et critiques des passants.
En cette journée du mois de juin, alors qu’il marche sur le pont Mistral enjambant le Rhône, il prend sa décision: il veut en finir. Le lendemain, ce sera son anniversaire, le jour de ses 59 ans, l’occasion est trouvée.
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En finir par une belle journée
Le lendemain, il fait beau; autant en finir par une belle journée. Auparavant, Christian Cayez veut s’octroyer un dernier plaisir, une cigarette. Il aborde les gens pour en quémander une mais n’essuie que des refus. Une dernière frustration dans ce monde égoïste. A gauche le pont, à droite le Champ de Mars, au milieu, le parc, son ultime royaume. Ses pas le mènent jusqu’au Champ de Mars; il tourne alors le dos au Rhône. Il découvre un chapiteau et des centaines de personnes affairées autour de grillades. Ce qu’il ignore, c’est qu’il s’agit d’un barbecue annuel géant organisé par plusieurs Eglises évangéliques de la ville. Ces gens offrent sandwiches et merguez aux passants ravis. Il s’approche d’un homme et lui réclame une cigarette. L’autre ne fume pas. Pas de chance! Mais il veut lui offrir un repas. Christian Cayez décline l’offre. A quoi bon? Dans une heure, il sera mort.
Son interlocuteur pressent son désespoir et l’invite à s’asseoir pour discuter un peu à l’écart. Un couple vient bientôt les rejoindre. Le clochard s’ouvre peu à peu. Le couple lui offre aussitôt un hébergement. De son côté, il est honteux d’être pris en pitié et trop fier pour évoquer son projet d’en finir. Il est cependant submergé par une atmosphère nouvelle et accepte l’offre d’hébergement pour une nuit.
Bonheur
Le lendemain, le couple l’amène à son Eglise. Il découvre ce qu’est un culte et en sort remué. A la fin de la célébration, quatre personnes dont les deux pasteurs, informés de sa situation, offrent de prier pour lui. Christian Cayez sent une chaleur le pénétrer de part en part. En quelques secondes, la joie l’habite. En quittant l’Eglise, il sait au plus profond de lui que le Christ dont il vient d’entendre parler est entré dans sa vie. Ses détresses s’effacent. Sa remontée s’effectue de manière plus rapide et spectaculaire encore que sa dégringolade.
Nouveau job
Quelques jours plus tard, on présente Christian Cayez à une femme qui possède des logements libres. Elle lui tend les clés d’un appartement et refuse d’être payée. En outre, le mari de celle-ci dirige un organisme qui s’occupe de la protection de l’enfance. Du jour au lendemain, Christian Cayez est embauché. Aujourd’hui, il anime une équipe éducative de huit personnes. De son sauvetage in extremis, Christian Cayez conclut: «Si un pauvre type vous interpelle pour demander une cigarette, tendez-lui la main; c’est une main qui peut le sauver.» ▪
Eric Denimal