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Avant le suicide, elle se donne une dernière chance

© Istockphoto - DR
De retour d’un voyage en Thaïlande, Ingrid décide de mettre fin à ses jours, mais pas sans d’abord chercher l’aide dont elle a besoin. Récit.
David Nadaud

Elle avait tout pour réussir. Ses amies, ses sœurs lui disaient: «Mais toi, tu réussis tout. Tu n’as pas de problème dans la vie, tu as toujours réussi tes études et tu n’as jamais été au chômage.» Pourtant, alors qu’elle se trouve à l’autre bout du monde, sur une île paradisiaque thaïlandaise, Ingrid (photo en médaillon), chrétienne, sait déjà que lorsqu’elle rentrera en Suisse, ce sera pour mettre fin à ses jours: «J’avais juste envie que tout s’arrête.» La dépression et l’anxiété la rongeaient de l’intérieur. A son retour pourtant, elle décide de se donner une dernière chance: «Je me suis rendue chez un psychiatre pour lui expliquer mes problèmes. Au bout d’une heure de séance, il m’annonce que mon cas est sans espoir. Il me propose des médicaments, mais me prévient que je resterai dans mon état actuel: un légume.»

En apparence, tout va bien

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Pourtant, quelques années plus tôt, Ingrid avait encore de l’ambition: «A vingt-cinq ans, je me voyais être mariée, avoir des enfants, avoir mon propre business et être engagée en politique. Et en fait, oui, j’avais bien mieux réussi que la plupart des jeunes de mon âge. Mais cette réussite m’a coûté. Il y a de nombreuses expériences de jeunesse que je n’ai pas vécues parce que j’étais concentrée sur mes études. Quand je voyageais, c’était pour mon travail et ainsi, je loupais des moments en famille. Aussi dans le cadre de mon travail, je me suis retrouvée dans des contextes de guerre difficiles. Ces expériences ont aussi participé à la dégradation de ma santé mentale. Mais de l’extérieur, les gens avaient toujours cette image de moi: une fille parfaite qui réussissait tout.»

Comprendre le mal-être

Revenant aux origines de son mal-être, Ingrid explique: «Je pense que ma recherche de perfection venait du besoin de plaire et de savoir que j’étais aimable. Très jeune, j’ai pris conscience qu’en fonction de ce que je faisais, de bien ou de mal, j’étais plus ou moins aimée. Et comme j’étais sensible à ces marques d’affection, je faisais les choses parfaitement, pour être vue et ainsi confirmer que oui, j’étais digne d’être aimée.» Et d’ajouter, pensive: «J’ai dû investir beaucoup de temps pour déconstruire le mensonge qui me disait qu’être digne d’être aimée ne devrait pas dépendre de ce que je fais, mais dépendre de qui je suis.»

Vers la reconstruction

Heureusement, après la séance avec le psychiatre, Ingrid ne baisse pas les bras et prend la décision de voir une psychologue partageant sa foi chrétienne. Celle-ci accompagne Ingrid vers la reconstruction de son identité: «Pendant deux ans, je suis passée par ce long chemin de reconstruction. ça a été une des périodes les plus difficiles de ma vie. J’ai dû apprendre à me poser, arrêter de bouger, arrêter de faire, de paraître et simplement être ce pourquoi j’avais été créée. J’ai été créée en tant qu’être humain: pour être et non pas pour faire uniquement. C’est Dieu qui m’a créée comme cela. C’est sa volonté. Il aurait pu me créer autrement. Il a fait le choix de me créer en tant qu’être imparfait. Je suis dans un monde qui est imparfait, avec des gens imparfaits. Et soit je décide de combler cette imperfection en faisant tout par moi-même, par mes propres forces et je tombe dans cette perfection qui est hyper malsaine d’un point de vue physique, émotionnel et spirituel. Soit, je décide de me faire grâce.» Elle ajoute, en souriant: «J’ai appris à me faire grâce.»

A l’image de Pâques

En cherchant de l’aide, Ingrid réalise qu’elle n’est pas la seule à traverser cette épreuve. La santé mentale, encore peu discutée jusqu’à il y a quelques années, vient peu à peu sur le devant de la scène; permettant ainsi aux personnes touchées de chercher l’aide qui leur est nécessaire et de parler de ce mal qui ronge une société de plus en plus avide de perfection.

Dans le sillage de la fête de Pâques, alors que les étalages colorés des magasins présentent la facette joyeuse et insouciante de cette célébration, les chrétiens se rappellent en premier lieu de la souffrance endurée par Jésus sur la Croix. Passer du Vendredi saint au Dimanche de la résurrection, c’est ainsi, dans des proportions humaines, le vécu d’Ingrid, qui a choisi de se lancer sur le chemin de la reconstruction, au lieu d’opter pour le suicide.

Quart d'heure pour l'essentiel

Article tiré du numéro Quart d’heure pour l’essentiel Pâques 2023

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