Skip to content

Tous croyants!

© istockphoto
Réflexion. Chrétiens, bouddhistes, musulmans, athées, agnostiques, scientifiques, philosophes: ne sommes-nous pas tous, finalement, animés par une certaine foi?

«Et toi, dis-moi, en quoi crois-tu?» La question semble porter uniquement sur une appartenance religieuse précise. Un peu comme dans un formulaire administratif où il s’agirait de cocher une case spécifique «de confession chrétienne», «juive», «musulmane», «sans religion» ou encore «autre». La question de la croyance n’est-elle qu’une question de religion? Pas du tout, répondent en chœur les spécialistes.
«L’homme est un animal croyant», constate sans détour le philosophe Charles-Eric de Saint-Germain, auteur de La défaite de la raison (éd. Salvator). Et de citer David Hume, philosophe du 18e siècle: «C’est parce que je ne peux m’empêcher de croire que le feu brûle que j’éviterai d’approcher ma main du feu, et ce même si je ne saurais démontrer l’existence d’un lien de causalité entre le feu et la sensation de brûlure.» Pour le philosophe, «la croyance est donc liée à l’action et à la vie».

Des croyances sans Dieu
«Nous sommes tous croyants», affirme également la sociologue Prisca Robitzer, auteur d’une thèse sur la construction mentale de la laïcité. «Car tout être humain qui donne sens à son environnement intérieur et extérieur est croyant.» Les croyances ne se limitent donc en aucun cas à la question religieuse. «Même les scientifiques, qui prétendent que le progrès des sciences supprimerait les croyances sont des croyants qui s’ignorent comme tels, ne serait-ce que parce qu’ils ont foi dans la toute-puissance de la raison», enchaîne Charles-Eric de Saint-Germain.

Publicité

Un pari sur la vie
Il serait donc impossible de ne croire…en rien? «On ne peut pas vivre sans croire, ne serait-ce que parce que vivre suppose de s’engager dans l’existence, et de faire des choix en l’absence de certitude», considère le philosophe. «Par exemple, si je dois franchir un ruisseau parce que je suis poursuivi par un fauve, il va bien falloir que je croie à la possibilité de le franchir par un simple saut, alors même que je n’en ai encore aucune certitude.» Et le philosophe de conclure: «C’est justement l’incertitude de la vie qui nous oblige à devenir croyants en quelque sorte, à poser des actes de foi. L’ordre de la vie suppose constamment de faire des choix, des paris, qui peuvent être gagnants ou perdants.»
D’un point de vue social ou relationnel, une vie sans croyance s’avère également impossible. «Toute société a besoin de croyances communes pour exister», analyse le théologien Louis Schweitzer. «Des valeurs que tout le monde respecte plus ou moins et surtout auxquelles la grande majorité adhère.» Mais encore: «Vivre ensemble suppose une certaine foi en l’autre», poursuit le théologien. «Lorsqu’elle vient à manquer, la vie devient difficile. Vivre dans une certaine paix et sécurité suppose que je peux faire confiance dans les personnes qui m’entourent, dans leur parole et leurs actions. Si toute confiance disparaissait, la vie deviendrait impossible, ou en tout cas, très difficile.»

Une promesse de bonheur
Toute confiance ou conviction intime peut-elle dès lors s’apparenter à une forme de croyance? «Le champ des croyances est énorme et peut avoir de multiples objets», reprend la sociologue Prisca Robitzer.
«Dans le champ privé, cela peut être l’idéal du grand amour. Dans le champ politique, l’idéal laïc, dans le champ professionnel, la croyance en la réussite sociale.» Bref, toute valeur est en effet susceptible de se transformer en croyance, dès lors que «l’on l’élève au rang de dieu, et surtout que l’on attend d’elle une forme de bonheur», conclut la sociologue.

Anne-Sylvie Sprenger

#Coronavirus: Que faire de nos peurs?

La peur et lʼangoisse engendrées par le coronavirus sont diffuses mais bien réelles au sein de la population. La foi en Dieu peut-elle être un secours face à la peur? Le point avec Yves Bulundwe,…

Publicité