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Vous prendrez bien une petite dose de gratitude?

© AleksandarNakic– Getty Images
La gratitude est-elle est un muscle ou un trait de caractère? Quels sont réellement les bienfaits de la reconnaissance pour nos vies? Réponses d’experts.
David Nadaud

A une époque où le stress, l’hyperconnexion et le mal-être semblent généralisés, la gratitude refait surface dans les cercles de la psychologie, de la spiritualité et des neurosciences. On considère souvent l’état de gratitude comme une source de bien-être profond, voire un médicament psychique. Mais que dit la science à ce sujet? Et surtout: peut-on apprendre à devenir reconnaissant?

Un bonheur venu d’ailleurs

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Le psychologue et pionnier dans ce domaine de recherche, le docteur en psychologie Robert Emmons, définit la gratitude comme «la reconnaissance de la bonté dans notre vie et la conscience que cette bonté provient souvent d’une source extérieure à soi». Il affirme également que «la gratitude est la reconnaissance que la vie elle-même est un don. Elle nous oriente vers quelque chose ou quelqu’un au-delà de nous.»

L’étude de 2003 de Robert Emmons et Michael McCullough affirme les bienfaits psychologiques de cet état de gratitude. D’après leurs recherches, les personnes qui tiennent un «journal de gratitude» sont plus heureuses, moins dépressives, dorment mieux et entretiennent de meilleures relations sociales. L’étude montre également que les personnes qui tiennent un tel journal pendant dix semaines rapportaient une augmentation de 25% de bonheur ressenti, une diminution de 23% de symptômes physiques et pour 30% d’entre eux, une amélioration de qualité de sommeil.

D’autres études abondent en ce sens: par exemple, l’étude de 2009 des chercheurs Alex Wood, Stephen Joseph et John Maltby a montré que les personnes qui sont naturellement reconnaissantes ont une pression artérielle plus stable, moins de troubles du sommeil et une meilleure régulation du stress. Des recherches de l’université de San Diego (Californie, Etats-Unis) ont mis en évidence un lien entre gratitude et diminution des marqueurs inflammatoires dans le sang, confirmant ainsi que cette disposition d’esprit influence directement notre santé physique.

Musclez votre reconnaissance!

Mais la gratitude n’est pas un don qui serait réservé aux personnes de nature optimiste ou positive: elle s’entraîne. Et cela peut commencer par des exercices simples: écrire chaque semaine trois choses pour lesquelles on est reconnaissant, envoyer une lettre de remerciement à quelqu’un que nous apprécions ou pratiquer la prière silencieuse, par exemple.

Et si on peut en cueillir rapidement les fruits, le professeur Martin Seligman, fondateur de la psychologie positive, a montré que ces pratiques ont des effets durables sur le long terme. En effet, petit à petit, le cerveau opère une «reconfiguration» pour percevoir le positif, sans toutefois nier les difficultés de la vie.

Pour y donner du sens

«La gratitude transforme les douleurs du souvenir en une joie tranquille», écrivait le théologien protestant allemand Dietrich Bonhoeffer lorsqu’il était prisonniers des nazis. «Celui qui a appris à remercier a appris à vivre», aurait pu lui répondre l’écrivaine néérlandaise Corrie ten Boom depuis son camp de concentration. Parce que la gratitude ne consiste pas à tout positiver, mais à discerner malgré la blessure, la fatigue ou la perte, que tout ne nous est pas dû et que ce qui est là, même fragile, mérite d’être reconnu. Dans cette perspective, elle dépend d’un coeur qui choisit de voir chaque jour comme une occasion de confiance et de croissance.

Ainsi, la gratitude apparaît à la croisée des chemins entre la science, la spiritualité et l’expérience humaine. Elle ne nie pas la souffrance, elle ne maquille pas les manques, mais elle les entoure d’un regard nouveau. En cultivant une attitude de reconnaissance, même discrète, nous entraînons notre esprit à mieux voir, mieux recevoir, mieux aimer. Et dans un monde occidental où tout semble aller trop vite, apprendre à dire merci avec sincérité pourrait bien être l’un des gestes les plus simples et les plus révolutionnaires pour retrouver notre humanité.

David Nadaud

Quart d'heure pour l'essentiel

Article tiré du numéro Quart d’heure pour l’essentiel 2025

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Article tiré du numéro Quart d’heure pour l’essentiel 2025

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