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Rapport de mission

© Istockphoto
Une résurrection et une disparition ont défrayé la chronique au 1er siècle. Récit de deux événements qui allaient changer le monde.

Le préfet de la dixième légion, Maximus Rachiticus, était affalé dans ses coussins, en proie à une crise de goutte, qui avait la fâcheuse tendance à devenir chronique. Il était d’une humeur épouvantable et le garde de faction faisait tout son possible pour se faire oublier quand soudain, un remue-ménage les fit sursauter tous les deux.

– Que se passe-t-il? Qui ose me déranger dans ma sieste? hurla le préfet.
En guise de réponse, il vit entrer dans l’immense salle de réception où il se reposait les deux êtres les plus étranges que la Légion ait pu enfanter: un petit gros et un grand échalas, tous les deux ayant l’air de tomber d’Uranus plutôt que de Mars.

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– Oh non, pas eux! soupira Maximus Rachiticus.
Mais déjà les deux hommes se figeaient devant lui dans un salut approximatif.

– Décurion Circonflex et légionnaire Simplex au rapport, chef!

– Au rapport de quoi? Je ne vous ai pas envoyés en mission à ce qu’il me semble!

– Il est parti, chef! répondit le décurion.

– Qui est parti?

– Le mort, chef!

– Quel mort? De quoi parlez-vous, et où est-il parti votre mort? Vous pouvez essayer de répondre à une question simple?

– Ça fait quatre questions, chef! remarqua Simplex.

– Le mort qu’on devait surveiller pour pas qu’il sorte de son tombeau, même que ce n’était pas possible qu’il sorte vu qu’il n’y avait pas de poignée à l’intérieur du tombeau! Vous vous rappelez, chef?

– Ah, celui-là! maugréa le préfet.

– Parce qu’il y en a eu des autres, chef? Il faudrait s’inquiéter alors, ce n’est pas très catholique tous ces morts qui se promènent partout!

– Bon! coupa sèchement Maximus Rachiticus, que s’est-il passé avec ce mort?

– Ben en fait, on ne sait pas trop si c’est juste de l’appeler le mort, vu qu’il est plus trop mort… Avec Simplex on s’est dit qu’on pourrait l’appeler le mort qu’est plus mort, mais c’est un peu long, vous ne trouvez pas, chef?

– Il s’appelle Iéshoua votre mort! Mais comment savez-vous qu’il n’est plus mort?

– Parce qu’on le voit partout! chuchota Simplex à l’oreille du préfet.
Celui-ci, dégoûté, essuya son oreille inondée des postillons du légionnaire.

– Qu’est ce qui te prend à venir léchouiller mon oreille! beugla-t-il. Et comment ça, on le voit partout?

– Chut! reprit Simplex, il est peut-être là, il peut nous entendre.

– Bon, on se calme et on reprend tout depuis le début! Décurion, faites-moi un rapport précis et circonstancié des événements.

– Ben, commença Circonflex, vous vous souvenez du mort qu’on devait surveiller. Quand on a vu qu’il était plus dans son tombeau, mais qu’il se promenait dans le jardin on a décidé de le suivre…

– Oui, je sais tout ça, vous me l’avez déjà dit! s’énerva le préfet.

– Ce qu’on ne vous a pas dit c’est que comme on est curieux, on a décidé de se remettre sous la couverture et d’aller voir ses amis.

– Je ne comprends rien à ce que tu racontes! Quelle couverture?

– Ben celle que vous nous avez donnée la dernière fois, d’être marchands de tissu, même que moi…

– C’est bon, c’est bon, j’ai compris! Vous avez repris votre déguisement de marchands de tissu et vous avez profité de cette couverture pour vous intégrer au groupe des fidèles de Iéshoua.

– C’est exactement ce que je viens de vous dire! fit remarquer Circonflex d’un ton boudeur.

– Ensuite? s’impatienta Maximus Rachiticus.

– Ensuite, euh, ah oui! Ensuite, on est tous allés dans une grande pièce à l’étage d’une maison. Là, les gars ont commencé à faire des prières…

– Il y avait des femmes aussi, le coupa Simplex, même qu’il y en a une qui…

– Oui, il y avait des femmes aussi, reprit le décurion. Et c’est alors qu’il est venu, le mort. Enfin, Iéshoua si vous préférez. Les autres étaient raides de trouille. Normal, ce n’est pas tous les jours qu’on voit un mort qui parle. Alors, Iéshoua leur a dit de ne pas s’inquiéter, que tout était en ordre et que c’était bien lui. Ils ont discuté comme ça un moment. Avec Simplex, on s’ennuyait un peu, rapport au fait qu’on ne comprenait pas tout. Il parlait de royaume qui allait venir, de message à apporter au monde entier, de paix, d’amour, d’espérance. Enfin des trucs de religieux, quoi!
Au mot «royaume», Maximus Rachiticus s’était relevé dans ses coussins. Il étouffa un juron de douleur avant de s’exclamer:

– Royaume, il a parlé de royaume?

– Oui, il a dit qu’il était plus très loin et que ses amis devaient annoncer sa venue.

– Des Romaines, si vous voulez mon avis! risqua Simplex.

– Des salades, corrigea le décurion. Oui, c’est bien ce que je pensais aussi, mais ce matin, il a réuni tout le groupe et on est partis faire une promenade.

– J’aime pas les promenades! ronchonna Simplex.

– On est sortis de la ville et on a pris la route en direction du mont des Oliviers. Tu visualises, chef?

– Je vous suis, continuez, soupira le préfet.

– En route, ses amis lui demandaient des trucs à propos du royaume. Ils voulaient savoir quand il allait venir et ils avaient l’air impatients. Mais lui, il leur a encore dit que ce n’était pas lui qui décidait et qu’ils verraient bien quand ça se passerait, mais qu’en attendant, ils devaient aller vers sa Marie et jusqu’au bout de la terre pour dire à tout le monde que le royaume arrivait. Il leur a encore dit qu’il allait leur envoyer un copain à lui qui les consolerait et qu’ils ne seraient plus jamais seuls.

– C’était beau comme il parlait. On l’aurait écouté des heures. Il y avait beaucoup de paix et d’amour dans ses mots. C’est dommage que vous n’étiez pas là, chef, il aurait sûrement pu faire quelque chose pour votre goutte!

– Et c’est alors qu’il est parti! reprit Circonflex.

– Parti, parti où? s’énerva Maximus Rachiticus.

– Parti au ciel, comme ça! Il est monté et puis il a disparu dans les nuages. Nous, on est restés là à regarder en pensant qu’il allait retomber, mais non! C’est alors qu’un gars est arrivé et nous a dit de ne pas regarder comme ça en l’air, rapport au torticolis et que de toute façon, il allait revenir.

– Sûr, chef! Il va revenir s’occuper de votre goutte!

– Revenir, mais quand?

– Bientôt, il a dit.

– Bientôt, c’est vague!

– Oui, mais c’est mieux que jamais et vous savez, chef, j’ai un peu l’impression qu’il n’est pas vraiment parti, qu’il est toujours un peu là, dans mon cœur! Suffit d’y croire, chef!

Pierre-Yves Zwahlen, romancier, auteur notamment de Lucius, la défaite des vainqueurs (éd. Prétexte)

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